Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/42

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beaucoup dans sa vie ; il la sait par cœur, il la comprend et la décrit sous toutes ses faces, et en parle tantôt avec amour et commisération, tantôt avec haine et invectives, mais jamais d’une manière indifférente ; il ne peut rester froid dans une matière si importante, il se passionne, il prend feu pour ou contre elle, il la couvre de boue ou de larmes ; il l’excuse, il l’explique, il dit comment elle est venue là. — Et l’histoire est la même que celle qu’Alfred de Musset fait commencer par Monna Belcolor et achever par Julie :


Honnestes ! si furent vraiment,
Sans avoir reproches ni blasmes :
Si est vrai qu’au commencement
Une chacune de ces femmes
Prindrent (avant qu’eussent diffames)
L’une ung clerc, ung lay, l’autre ung moine,
Pour esteindre d’amour les flammes
Plus chauldes que feu saint Anthoine.

Or firent (selon ce décret)
Leurs amys, et bien y appert :
Elles aymoient en lieu secret.
Car autre qu’eulx n’y avait part.
Toutefoys cest amour se part.
Car celle qui n’en avoit qu’un
D’icelluy s’esloygne et despart,
Et ayme mieulx aymer chascun.


Quatre siècles avant Alexandre Dumas, il a presque littéralement trouvé les pauvres faibles femmes. Nous voyons chez lui ces pauvres femmelettes ; en vérité, je crois que je préfère le diminutif. Je ne connais rien de plus beau, dans aucun poëe, que les regrets de la belle Heaulmyère, ou de la belle qui fut Heaulmyère,