Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/46

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Assises bas à croppetons[1],
Tout en ung tas comme pelottes,
A petit feu de chenevottes[2],
Tost allumées, tost eteinctes ;
Et jadis fusmes si mignottes !
Ainsi en prend à maincts et mainctes.


Ce morceau, un des plus beaux du poëte, montre combien sa palette est riche de tons ; il est impossible de peindre la jeunesse de couleurs plus jeunes et plus fraîches. Toute cette première partie est d’un dessin fin et bien observé qui ferait honneur à un peintre plus moderne ; rien ne s’y ressent de la roideur gothique ; cela est amoureusement fait, plein de charmants détails, dont je prie le lecteur d’excuser la naïveté, parfois la crudité. C’est un happe-bourse qui fait parler une fille de joie : on aurait tort d’exiger trop de chasteté dans un pareil sujet, traité par un pareil auteur ; les retrancher eût été un meurtre. Certaines choses libres ne le sont plus dans un style qu’il faut étudier laborieusement, et qu’on peut, en quelques façons, regarder comme une langue morte. Les nudités des anciennes peintures ne sont nullement répréhensibles et n’éveillent aucun sentiment mauvais. C’est de l’art et pas autre chose, et je regarderai toujours comme un vandalisme stupide l’acte de piété mal entendue qui fit briser la verrière représentant sainte Marie l’Égyptienne offrant son beau corps au batelier, en payement de son passage. — La seconde partie, qui fait antithèse, n’est pas moins remarquable : le poëte déforme à plaisir la

  1. Sur les talons accroupies.
  2. Chaume du chanvre.