Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/91

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vous êtes lâche et malin, et je crois que vous suivrez toujours vos inclinations et non les miennes. Je ne me repens pas d’avoir pris autrefois l’épée pour vous venger du bâton ; il ne tint pas à moi que votre affront ne fût effacé : c’est peut-être alors que vous ne me crûtes pas assez bon poëte, parce que vous me vîtes trop bon soldat. Je n’allègue point ceci par aucune gloire militaire ni pour aucun reproche de votre poltronerie, mais pour vous montrer que vous devriez vous taire de mes défauts, puisque j’avois toujours caché les vôtres. Je ne suis poëte ni orateur… Je suis sans art, je parle simplement et ne sais rien que bien vivre ; ce qui m’acquiert des amis et des envieux, ce n’est que la facilité de mes mœurs, une fidélité incorruptible, et une profession ouverte que je fais d’aimer parfaitement ceux qui sont sans fraude et sans lâcheté : c’est par où nous avons été incompatibles vous et moi. M’ayant promis autrefois une amitié que j’avois si bien méritée, il faut que votre tempérament soit bien altéré, de me venir quereller dans un cachot, et vous jouer à l’envi de mes ennemis à qui mieux braveroit mon affliction. »

À la fin de la lettre il répond à Balzac, qui lui reprochait une maladie honteuse, suite des faveurs de quelque Chloris malsaine, qu’il n’avait, lui Balzac, évité ce mal-là que pour en gagner un pire, et qu’il conçoit très-bien pourquoi il est si médisant contre les dames. — Au xvie siècle deux savants et deux théologiens ne se peuvent disputer sans s’accuser réciproquement de sodomie et d’athéisme, tant il y avait de douceur et de politesse dans les relations littéraires de ce temps-là. — Théophile ter-