Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/97

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seigneurs. Quant à ses vers, du moins ceux qu’il avouait et qui sont signés de son nom, ils sont certainement aussi chastes, s’ils ne le sont pas plus, que les plus chastes vers du plus chaste poète de ce temps. — Il aimait la bonne chère, il en convient lui-même ; mais ce n’est pas une raison pour bannir un homme du royaume, et encore moins pour le brûler vif. — Il s’en explique ainsi avec la plus noble franchise : « Je me tiens plus asprement à l’étude et à la bonne chère qu’à tout le reste. Les livres m’ont lassé quelquefois, mais ils ne m’ont jamais étourdi, et le vin m’a souvent resjouy, mais jamais enyvré. La desbauche des femmes et du vin faillit à m’empiéter au sortir des escholes, car mon esprit un peu précipité avait franchy la subjection des précepteurs, lorsque mes mœurs avoient encore besoin de discipline ; mes compagnons avoient plus d’âge que moi, mais non pas tant de liberté. Ce fut un pas bien dangereux à mon âme que cette licence qu’elle trouva après les contraintes de l’étude : là je m’allois plonger dans le vice qui s’ouvroit assez favorablement à mes jeunes fantaisies, mais les empêchements de ma fortune destournèrent mon inclination, et les traverses de ma vie ne donnèrent pas loisir à la volupté de me perdre. Depuis, insensiblement, mes désirs les plus libertins se sont attiédis avecques le sang, et leur violence, s’évanouissant tous les jours avec l’âge, me promet doresnavant une tranquillité bien assurée : je n’aime plus tant ni les festins ni les ballets, et me porte aux voluptés les plus secrettes avec beaucoup de médiocrité… (Fragment, chap. ii.)

« Quant à cette licence de ma vie, que vous pensez