Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendre coupable de la corruption de la jeunesse, je vous jure que, depuis que je suis à la cour et que j’ai vescu à Paris, je n’ay point connu de jeunes gens qui ne fussent plus corrompus que moi, et qu’ayant descouvert leur vice, ils n’ont pas été longtemps de ma conversation ; je ne suis obligé à les instruire que par mon exemple, ceux qui les ont en charge doivent répondre de leurs débauches, et non pas moy, qui ne suis ny gouverneur ny régent de personne. »

Sa liberté et sa franchise lui attirèrent des ennemis nombreux et puissants ; en outre, il était calviniste, et ne parlait pas des jésuites avec tout le respect nécessaire. À la cour d’un roi bigot comme l’était Louis XIII, c’était un motif de disgrâce : aussi obtint-on du roi un ordre qui obligeait Théophile à sortir du royaume le plus promptement possible, et qui lui fut signifié, au mois de mai 1619, par le chevalier du guet. Avant de s’embarquer il fit cette pièce de vers (une effroyable tempête empêchait de lever l’ancre) :


Parmi ces promenoirs sauvages,
J’oy bruire les vents et les flots,
Attendant que les matelots
M’emportent hors de ces rivages.
Icy les rochers blanchissans,
Du choc des vagues gémissans,
Hérissent leurs masses cornues
Contre la cholère des airs,
Et présentent leurs testes nues
À la menace des éclairs.

J’oy sans peur l’orage qui gronde,
Et, fut-ce l’heure de ma mort,
Je suis prest à quitter le port