Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/105

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de cette belle figure par une mince ligne d’or. La joue et le cou, baignés d’une ombre transparente, recevaient, des feuillets du livre et des draperies blanches du lit, des reflets de nacre et d’argent à ravir un coloriste. Il était impossible de rêver rien de plus pur comme forme, de plus suave comme couleur, de plus chaste comme expression. On eût dit une sœur près de son frère malade. Cette jeune femme, seule dans cet intérieur de garçon, avait une réserve si virginale, une tenue si parfaite, que nul n’aurait osé mal interpréter sa présence.

Dalberg, qui avait toujours eu pour Florence une admiration mêlée de respect, tant elle était visiblement supérieure à la sphère qu’elle occupait, se demandait à quel titre il avait pu inspirer un tel intérêt à cette belle et noble créature : des rapports peu fréquents, décousus, sans intimité, n’expliquaient pas suffisamment cette marque d’affection qu’on aurait pu tout au plus attendre d’une maîtresse ou d’une amie ancienne ; en cherchant bien, Dalberg se rappela qu’à plusieurs reprises il avait surpris les yeux de Florence attachés sur lui avec une sorte de fixité ; mais Dalberg n’était pas fat : il ne tira pas de cette induction la conséquence que Florence fût amoureuse de lui, et il attribua à une simple bonté de cœur cette démarche, que tout autre eût trouvée significative.

Quelle qu’en fût la raison, il accepta son bonheur sans plus chercher à l’expliquer, et, ses souffrances s’apaisant un peu, ses paupières alourdies finirent par se fermer tout à fait.

Il fit toutes sortes de rêves incohérents et bizarres, parmi lesquels un le frappa vivement : il lui semblait que Calixte, par un caprice de jeune fille curieuse, avait voulu visiter sa chambre et saisi, pour satisfaire cette fantaisie, un jour qu’il était absent. — Bien que, dans son rêve, il fût hors de son logis, il n’en voyait pas