Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/109

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faire, vous ne trouverez en moi qu’une amie. Ce n’est pas Amine que je redoute, je vous prie de le croire, dit-elle en relevant la tête avec une fierté charmante.

Toute la semaine Florence vint passer l’après-midi près du chevet de Dalberg.

Dalberg n’oubliait pas Calixte, mais il y pensait avec une amertume moins âcre, et les charmes de la consolatrice allégeaient beaucoup sa douleur.

Lorsqu’il put sortir, sa première visite, comme vous le pensez bien, fut pour Florence, qui le reçut avec cette familiarité noble, cet empressement affectueux et cette prévenance gracieuse dont elle avait le secret.

Dalberg revint le jour suivant et resta plus longtemps que la veille. Hors les moments qu’il passait avec Florence, la vie lui semblait d’une tristesse affreuse. — L’image de Calixte le repoussant, le regret de sa félicité perdue, le jetaient alors dans les plus noires mélancolies. — Près de Florence, il croyait à la possibilité de l’oubli, à l’épanouissement d’un nouvel amour ; il faisait des paradis en Espagne, et, sur les ruines de son bonheur, il voyait déjà s’élever un édifice doré par le soleil. La beauté si parfaite de la jeune femme le fascinait malgré lui par ses enivrantes promesses ; sculpteur, il l’eût divinisée ; poète, il l’eût chantée ; sultan, il l’eût payée de tout son trésor ; son esprit délicat et fin le ravissait, et les heures s’envolaient comme des minutes lorsque, assis à ses pieds, il avait avec elle une de ces conversations ailées qui font le tour du monde et de l’âme.

Rudolph, pendant ce temps-là, avançait de plus en plus dans les bonnes grâces de M. Desprez ; sa modération dans son duel avec Dalberg lui avait fait beaucoup d’honneur. — Calixte ne témoignait pas de répugnance formelle à son endroit, soit que la passion vraie et profonde du baron, plus amoureux que jamais, l’eût