Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/113

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qui jaillit des yeux et à l’expression du visage humain.

— Ah ! comme vous l’aimez ! répondait-elle à Henri lorsqu’il lui avait dit quelque chose de tendre et de passionné ; vous pensiez à elle dans ce moment-là, et voilà pourquoi votre œil avait de la flamme, votre voix de l’émotion et votre phrase de la poésie. — Vous disiez Florence et vous pensiez Calixte.

Dalberg avait beau se confondre en protestations, Florence demeurait inflexible.

En lui-même, il sentait qu’elle avait raison. Au moindre signe de mademoiselle Desprez, il serait accouru, tremblant, éperdu, plus amoureux que jamais, et ne se serait pas souvenu que Florence existât. — C’était pourtant la personne qu’il aimait le plus au monde, — après Calixte ; — mais en amour il n’y a pas de seconde place.

Ne pouvant la convaincre, il tâchait de l’éblouir, de flatter sa vanité par de riches présents ; tous les jours c’était quelque bracelet, quelque bague, quelque parure nouvelle ou bizarre, des fleurs rares, une voiture à la mode ou une paire de chevaux neufs. Depuis qu’il avait commencé à mordre à même son capital, il y puisait à pleines mains, comme s’il eût eu le trésor d’Aboulkasem. — Florence ne faisait aucune observation sur ces dépenses folles, soit que, habituée à un luxe princier, elle ne les remarquât pas, soit qu’elle crût Dalberg beaucoup plus riche qu’il ne l’était réellement. L’idée que Florence fût avare ou rapace ne pouvait venir à personne. D’ailleurs ces parures, qui eussent fait délirer de joie presque toutes les femmes, elle les mettait à peine une fois et plutôt par attention pour Henri que par coquetterie… Le collier, admiré un instant, rentrait dans l’écrin et n’en sortait plus.

Il n’y avait plus chez Florence une épingle qui ne