Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/111

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enseigna les moyens de se donner de la tournure et du caractère ; il lui révéla le sens intime de l’argot en usage cette semaine-là ; il lui dit ce que c’était que ficelle, chic, galbe, art, artiste et artistique ; il lui apprit ce que voulait dire cartonné, égayé, damné ; il lui ouvrit un vaste répertoire de formules admiratives et réprobatives : phosphorescent, transcendantal, pyramidal, stupéfiant, foudroyant, annihilant, et mille autres qu’il serait fastidieux de rapporter ici ; il lui fit voir l’échelle ascendante et descendante de l’esprit humain : comment à vingt ans l’on était Jeune-France, Beau jeune mélancolique jusqu’à vingt-cinq ans, et Childe-Harold de vingt-cinq à vingt-huit, pourvu que l’on eût été à Saint-Denis ou à Saint-Cloud ; comment ensuite l’on ne comptait plus, et que l’on arrivait par la filière d’épithètes qui suivent : ci-devant, faux-toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque, mâchoire, ganache, au dernier degré de la décrépitude, à l’épithète la plus infamante : académicien et membre de l’Institut ! ce qui ne manquait pas d’arriver à l’âge de quarante ans environ ; — tout cela dans une seule leçon. Oh ! le grand maître que c’était que Ferdinand de C*** !

Daniel faisait bien quelques objections, mais Ferdinand répondait avec un tel aplomb et une telle volubilité, que, s’il eût voulu vous persuader, mon cher lecteur, que vous n’êtes rien autre chose qu’un imbécile, il en serait venu à bout en moins d’un quart d’heure, en moins de temps que je n’en