Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/128

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ton, déforme antique, se montrèrent peu à peu, de façon à produire cette espèce de profil, appelé profil perdu, que les grands maîtres, et surtout Raphaël, affectionnent particulièrement ; mais je n’en sais la raison, elle n’acheva pas le demi-tour qu’elle semblait vouloir faire, et elle demeura ainsi, au grand dépit de Rodolphe, toujours plongé dans la plus terrible incertitude.

Certainement, ce qu’il voyait était beau et tout à fait dans le caractère qu’il désirait, mais il ne voyait ni le nez, ni les yeux, ni la bouche ; peut-être avait-elle le nez rouge, les yeux bleus et la bouche blanche. Il se penchait sur le balcon à tomber dans le parterre, pour en découvrir davantage : impossible ! et, dans son désespoir, il invoquait tous les saints du paradis.

Sa prière fut suivie d’effet, la dame se retourna tout d’un coup. Rodolphe se trouva enlevé au septième ciel, comme si un machiniste de l’Opéra l’eût hissé au bout d’une ficelle. C’était la réalité de son idéal !

Elle était bien comme il l’avait rêvée : un sourcil arabe, noir et fin, à paraître dessiné au pinceau, couronnait dignement un bel œil brun et humide ; le nez, aux narines ouvertes et vermeilles, était de la plus parfaite correction ; la bouche, d’une couleur et d’une forme irréprochables, également propre à décocher un sarcasme et à appuyer un baiser.

Quant au teint, il était chaud et vivace, un peu