Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/145

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pectait plus qu’un roi ou deux, et qu’il n’aurait pas cédé le haut du pavé à un empereur. — Encore, si c’était une femme comme il faut. — Est-ce que Mariette était comme il ne faut pas ? Moi qui l’ai vue, je me permettrai d’être d’avis contraire. D’abord elle est affligée de quelque vingt ans, elle est drue et fraîche, elle a les yeux les plus beaux du monde, et, comme elle fait faire son service par le petit groom de Rodolphe, à qui, pour sa peine, elle donne de temps en temps quelques friandises et une tape amicale sur la joue, elle a les ongles aussi nets et la peau aussi blanche que vous, peut-être même plus, sans vouloir toutefois dénigrer vos perfections. Je pense qu’en voilà assez pour être une femme comme il faut. — Une femme du monde, une honnête femme ? — Je n’ai jamais su que Mariette fût une femme de la lune, et quant à honnête femme, je prendrai la licence extrême de vous faire observer que si Rodolphe au lieu de coucher avec Mariette eût couché avec une de vos amies ou avec vous-même (ceci n’est qu’une supposition, pudique lectrice), vous n’auriez plus été des honnêtes femmes, du moins dans vos idées ; car, pour moi, je ne pense pas qu’une bagatelle de cette espèce empêche de l’être : au contraire.

D’ailleurs les illustres exemples de ce genre ne manquent pas. De très-grands hommes ont aimé de petites grisettes ; Rousseau se laissait battre par sa servante ; de célèbres poëtes ont adoré des marchandes de pommes de terre frites, etc., etc.