Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/155

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(est-ce la même chose ou sont-ce deux choses ?), le premier pas n’est absolument qu’un pas et ne vous conduit qu’au seuil de son âme ; le second, déjà plus allongé, vous met au plein milieu, et le troisième, véritable pas fait avec des bottes de sept lieues, vous conduit tout au bout et vous fait toucher le fond. Rodolphe était au fond de madame de M***, et cela dès la première séance. Infortuné jeune homme !

Adoré de la femme, adoré du mari, la porte ouverte à deux battants, toutes les facilités du monde ! Faites-moi donc quelque chose de forcené et d’énergique avec une pareille situation !

On dansa, Rodolphe dansa, et dansa en mesure encore, comme s’il n’était ni poëte, ni Jeune-France, ni passionné. Mon Dieu non ! il y mit toute la grâce et toute l’élégance imaginables, il ne marcha sur le pied d’aucune dame, il ne creva la poitrine d’aucun homme avec son coude, et madame de M*** avoua qu’elle n’avait jamais vu de cavalier plus parfait et qui dansât le galop d’une façon plus convenante.

Rodolphe se retira fort tard, laissant de lui l’idée la plus favorable ; il eût été entièrement heureux si la pensée que sa pièce de vers ne pouvait lui servir ne fût venue traverser sa béatitude, comme une ligne de nuages qui coupe un horizon clair ; il eut beau chercher mille biais, il ne put rien trouver, et, de guerre lasse, il résolut de tenir son douzain en portefeuille, mais ses diables de vers lui grouil-