Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/187

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J’ai beau faire, tout s’emboîte le plus naturellement du monde. J’attaque la femme, elle ne me résiste pas ; je veux entrer par la fenêtre, on me donne la clef de la porte. Le mari, au lieu d’être jaloux de moi, me donnerait sa femme à garder ; il tombe du ciel et me prend presque sur le fait, il s’obstine à ne pas voir ce qui lui crève les yeux, et les coussins au pillage, et sa femme toute rouge et toute blanche, et moi dans l’état physique et moral le plus équivoque ; il ne tire aucune induction de rien. Au lieu de me poignarder ou de me jeter par la croisée, comme la décence l’exigeait, au lieu de traîner sa femme par les cheveux tout autour de la chambre, ainsi qu’un mari dramatique doit faire, il me propose de jouer à l’écarté, et me gagne plus d’argent qu’il ne m’en faudrait pour me soûler à mort, moi et tous mes amis intimes !

Je vois décidément que je suis né pour être un marchand de chandelles, et non pour être un second tome de lord Byron. Ceci est douloureux, mais c’est la vérité.

Oh ! mon Dieu ! que faire de cette poésie qui bouillonne dans mon sein et qui dévore mon existence ? où trouver une âme qui comprenne mon âme, un cœur qui réponde à mon cœur ?

Lorsque Rodolphe rentra chez lui, il entendit ses chats qui miaulaient du ton le plus piteux du monde : Tom en faux bourdon, la petite chatte blanche en contralto, et son chat angora avec une voix de ténor qu’eût enviée Rubini.