Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/213

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mariette. — Oh ! les hommes ! voilà comme ils sont, celle-ci et celle-là, tout leur est bon, et celle qui se trouve au-devant de leurs lèvres est toujours la préférée !

rodolphe. — Tu philosophes avec une profondeur tout à fait surprenante, et ces hautes réflexions ne seraient pas déplacées dans un opéra-comique. Or, tu te trouves au-devant de ma bouche, donc je te préfère.

Mariette, laissant aller son paquet et se défendant faiblement. — Monsieur Rodolphe, je vous en prie, n’allez plus chez madame de M*** ; c’est une méchante femme.

rodolphe. — Tu ne la connais pas, comment peux-tu le savoir ?

mariette. — C’est égal, j’en suis sûre ; je ne peux pas souffrir cette femme. Oh ! n’y allez plus, et je vous aimerai bien.

rodolphe. — S’il ne faut que cela, petite, pour te rendre contente, c’est bien facile ; mais explique-moi un peu comment cette idée t’est venue d’être jalouse de moi. Voilà assez longtemps que tu es à mon service, et tu ne t’en étais pas encore avisée.

mariette. — Comme vous parlez de cela, monsieur ! Vous riez, et j’ai la mort dans l’âme. Ah ! vous croyez que, pour être votre servante, j’ai cessé d’être femme ; si vous avez compté sur cela, vous vous êtes trompé, et bien étrangement. Je sais que cela est bien hardi et bien audacieux à moi de vous aimer, vous, mon maître ; mais je vous aime, est-ce