Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/228

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allaient en lambeaux ; les murs suaient à grosses gouttes à force d’humidité ; quelques tableaux noirs et enfumés étaient pendus çà et là dans leurs cadres poudreux.

Pour compléter l’illusion, Élias Wildmanstadius avait rassemblé à grands frais les meubles les plus anciens qu’il eût pu trouver : de grands fauteuils de chêne à oreillettes, couverts de cuir de Cordoue avec des clous à grosses têtes, des tables massives aux pieds tortus, des lits à estrade et à baldaquin, des buffets d’ébène, incrustés de nacre, rayés de filets d’or, des panoplies de diverses époques, tout ce bagage rouillé et poussiéreux, qu’un siècle qui s’en va laisse à l’autre comme témoin de son passage, et que les peintres disputent aux antiquaires chez les marchands de curiosités.

Afin d’être assorti à ces meubles et de ne pas faire dissonance, il portait toujours chez lui un costume du moyen âge.

Rien n’était plus divertissant que de le voir, ce bon Élias Wildmanstadius, avec un surcot de samit armorié, des jambes mi-parties, des souliers à la poulaine, les cheveux fendus sur le front, le chaperon en tête, la dague et l’aumônière au côté, se promener gravement, à travers les salles désertes, comme une apparition des temps passés. Quelquefois il se revêtait d’une armure complète, et il prenait un grand plaisir à entendre le son de fer qu’il rendait en marchant.

Cet amour de l’antiquité s’étendait jusque sur la