Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que chose de charmant et d’indescriptible qui venait de toutes les deux, et qui s’envolait dès qu’elles étaient séparées. Je les avais fondues dans mon amour, et je n’en faisais véritablement qu’une seule et même personne.

Dès que les deux sœurs eurent compris que c’était ainsi et pas autrement que je les aimais, — elles eurent compris cela bien vite, — elles me reçurent mieux et me témoignèrent à plusieurs reprises une préférence marquée sur tous mes rivaux.

Ayant eu l’occasion de rendre quelques services assez importants à la mère, je fus admis dans la maison et bientôt compté au nombre des amis intimes. On y était toujours pour moi ; j’allais, je venais ; on ne m’appelait plus que par mon nom de baptême ; je retouchais les dessins des petites ; j’assistais à leurs leçons de musique, on ne se gênait pas devant moi. C’était une position horrible et délicieuse, j’étais aux anges et je souffrais le martyre. Pendant que je dessinais, les deux sœurs se penchaient sur mon épaule ; je sentais leur cœur battre et leur haleine voltiger dans mes cheveux : ce sont, en vérité, les plus mauvais dessins que j’aie faits de ma vie ; n’importe, on les trouvait admirables. Quand nous étions au salon, nous nous reposions tous les trois dans l’embrasure d’une croisée, et le rideau qui retombait sur nous à longs plis nous faisait comme une espèce de chambre dans la chambre, et nous étions là aussi libres que dans un cabinet ; Musidora était à ma gauche, Clary à