Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/309

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demoiselle et de vagabonder par les champs ?

« Passe pour l’été mais, quand arrive l’automne, que les feuilles, couleur de safran, tourbillonnent dans les bois, qu’il commence à geler blanc ; quand la brume, froide et piquante, raye le ciel gris de ses innombrables filaments, que le givre enveloppe les branches dépouillées d’une peluche scintillante ; quand on n’a plus de fleurs pour se gîter le soir, que devenir, où réchauffer ses membres engourdis, où sécher son aile trempée de pluie ? Le soleil n’est plus assez fort pour percer les brouillards ; on ne peut plus voler, et, d’ailleurs, quand on le pourrait, où irait-on ?

« Adieu, les haies d’aubépine, les boutons d’or et les pâquerettes ! La neige a tout couvert ; les eaux qu’on égratignait en passant ne forment plus qu’un cristal solide ; les roses sont mortes, les parfums évaporés ; les oiseaux gourmands vous prennent dans leur bec, et vous portent dans leur nid pour se repaître de vos chairs. Affaiblis par le jeûne et le froid, comment fuir ? les petits polissons du village vous attrapent sous leur mouchoir, et vous piquent à leur chapeau avec une longue épingle. Là, vivante cocarde, vous souffrez mille morts avant de mourir. Vous avez beau agiter vos pattes suppliantes, on n’y fait pas attention, car les enfants sont, comme les vieillards, cruels : les uns, parce qu’ils ne sentent pas encore ; les autres, parce qu’ils ne sentent plus. »