Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/314

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vers la voix sourde et cassée de Pragmater, la couvrant quelquefois et l’empêchant d’être entendue.

Pragmater, impatienté, donna un coup de pied si violent du côté d’où le chant paraissait venir, que plusieurs flocons de suie se détachèrent et avec eux la cellule du grillon, qui se mit à courir sur la cendre aussi vite que possible pour regagner un autre trou.

Par malheur pour lui, le rancunier maître d’école l’aperçut, et, malgré nos cris, le saisit par une patte au moment où il entrait dans l’interstice de deux briques. Le grillon, se voyant perdu, abandonna bravement sa patte, qui resta entre les doigts de Pragmater comme un trophée, et s’enfonça profondément dans le trou.

Pragmater jeta froidement au feu la patte toute frémissante encore.

Berthe leva les yeux au ciel avec inquiétude, en joignant les mains. Maria se mit à pleurer ; moi, je lançai à Pragmater le meilleur coup de poing que j’eusse donné de ma vie ; il n’y prit seulement pas garde.

Cependant la figure triste et sérieuse de Berthe lui donna un moment d’inquiétude sur ce qu’il avait fait ; il eut une lueur de doute ; mais le voltairianisme reprit bientôt le dessus, et un bah ! fortement accentué résuma son plaidoyer intérieur.

Il resta encore quelques minutes mais, ne sachant trop quelle contenance faire, il prit le parti de se retirer.