Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/338

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referment sur lui ; il entend grincer des verrous, glapir des gonds mal graissés ; des geôliers avec des bonnets de peau d’ours, comme ceux des mélodrames, traînent des paquets de chaînes et de ferrailles ; il descend des escaliers, parcourt des corridors sans fin, dont les rougeâtres reflets éclairent la profondeur ; ces corridors deviennent de plus en plus étroits, les murailles se rapprochent, les voûtes se baissent, les planchers s’élèvent : il se trouve pris dans un entonnoir de pierre, incapable de faire un mouvement, enchâssé comme une pomme dans un ruisseau gelé ; après des efforts inouïs, il parvient à jeter de côté sa couverture et s’éveille.

Ô ciel ! il est déjà quatre heures et demie, un pâle rayon du jour pénètre à travers les côtes des persiennes, toujours fermées pour faire croire à une absence ; le soleil va se lever, et avec lui le garde municipal.

Le réfractaire se précipite à bas du lit, chausse à la hâte des bottes non cirées, un habit peu brossé, un pantalon crotté de la veille, et, sans s’être ni lavé, ni peigné, ni rasé, se glisse dans la rue en longeant les maisons, comme une hirondelle qui veut prendre des mouches.

La lueur bleue du matin lutte péniblement avec les jaunes clartés des réverbères qui grésillent dans le brouillard ; la ville dort encore d’un profond sommeil ; à peine si les laitières, entourées d’amphores de fer-blanc, commencent à déboucher au coin des rues avec leurs petites charrettes ; il n’y a que les