Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/347

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Deux cents heures de cabriolet, ci 400 francs, sans compter les pourboires ; deux logements à la campagne de 300 francs chacun, ci 600 francs ; trois appartements en ville, ensemble 2,000 francs ; pourboires donnés à la contre-police du réfractaire, 100 francs ; la perte d’un ami qui devait 500 francs, ci 500 francs ; la perte de mademoiselle Alida, qui ne peut s’évaluer que moralement ; la perte de cent journées de travail, valant 2,000 francs au moins ; achats de faux nez, moustaches et favoris postiches et autres déguisements, 150 francs ; affaires manquées, billets protestés pendant des absences, 1,000 francs. Total : 6,750 francs.

Sans compter les rhumes de cerveau, les fluxions et autres incommodités attrapées dans les fuites nocturnes et matinales, et les brusques passages d’un lieu chaud dans un lieu froid.

Pendant un an, le réfractaire a connu les angoisses des voleurs et mené la vie errante des proscrits, la plus atroce vie que l’on puisse imaginer, le tout pour aboutir à ce Spielberg du quai d’Austerlitz, que l’on nomme Maison d’arrêt de la Garde Nationale, et plus familièrement, Bazancourt, ou l’Hôtel des Haricots.

Peintres, artistes, sachez-lui gré de ce magnifique entêtement à ne pas porter un costume ridicule de forme, et dont les couleurs sont d’une fausseté révoltante ; car c’est pour cela même qu’il ne veut pas être garde national.


1839.