Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/42

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avec un air d’angoisse, elle se tordait les mains, et me repoussait opiniâtrement : je n’avais jamais vu une aussi vigoureuse défense.

— Où diable la vertu va-t-elle se nicher !

— Cela dura une grande heure au moins. À la fin, épuisée de fatigue, elle tomba sur le bord de mon lit. J’en eus presque pitié, et je fus tenté de la laisser mais, faisant réflexion que c’était d’une pitié de cette espèce que les femmes vous ont le moins d’obligations, et ne voulant pas qu’elle me prît pour un imbécile, je revins à l’assaut, et me servant d’un petit poignard que je porte toujours sur moi, je coupai le lacet de sa robe, et je parvins à l’en dépouiller. Je vis alors qu’elle manquait d’une chose indispensable.

— Peut-être, dit Théodore, n’avait-elle qu’un sein, comme la courtisane vénitienne dont parle J.-J. Rousseau ?

— Je te certifie qu’elle en avait bien deux.

— Peut-être était-elle comme la femme de Thomas Sévin, dont il est question dans Marot ?

— Aucunement : c’est une charmante et complète créature, seulement elle n’avait pas…

— Quoi donc ?

— Elle n’avait pas de chemise.

— Oh ! fit Théodore.

— Pauvre ange ! ajouta Roderick ; tu penses bien que je lui donnai de quoi en acheter.

— Voilà un drôle de dénoûment.

La morale de celle-ci est différente de celle de