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LA MUSIQUE CHINOISE

former la gamme (fa, sol, la, do, ), rejetant ainsi les deux demi-tons. « Les deux pien, disent-ils, sont aussi inutiles dans la musique, que le serait un doigt de plus à chaque main ». Le prince Tsai-Yu, qui releva cette erreur, s’écrie, avec une vive indignation : « Nos lettrés, il faut l’avouer, sont quelquefois singulièrement hardis dans leurs affirmations. Un peu moins d’effronterie, et un peu plus de science les empêcheraient souvent de commettre certaines bévues, qui les rendent méprisables aux yeux de ceux qui sont vraiment savants. »

Mais cela ne changea rien, l’erreur fut maintenue et la musique moderne s’obstine à n’employer presque exclusivement que les cinq notes.

Cependant une des mélodies que chantent, au Théâtre Chinois du Trocadéro, en s’accompagnant du pi-pa et du violon à deux cordes, les deux mignonnes sœurs, Ouan-Ta-Pa et Ouan-Eul-Pa, est écrite dans le mode Yn-Tchong, et elle contient en effet plusieurs fois le mi, cette note, que la musique moderne n’emploie pas. Cette mélodie est intitulée :


ROSÉES

Ô fleurs de printemps,
Qui fleurissez sous ma fenêtre,
Savez-vous que j’ai vingt ans ?
Bientôt vous allez disparaître :
Moi, ma beauté va périr,
Sans avoir pu fleurir…
Lorsque vous serez parvenues,
Avant moi, par delà les nues,
Vous, que je vois entre mes pleurs,
Ne m’oubliez pas, ô fleurs !…

Le caractère particulier des mélodies chinoises, comme de celles des peuples qui ont pris la Chine pour modèle, est d’être continue, de se suivre sans interruption, ni répétition ; le couplet est très rare et ne s’emploie que dans les chansons populaires.