Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/101

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impérieux ; les aïssaoua s’agitaient avec une frénésie enragée ; le balancement de tête, qui n’avait été d’abord exécuté que par quelques-uns, était maintenant général ; seulement, les oscillations prenaient une telle violence, que l’occiput allait frapper les épaules et que le front battait la poitrine en brèche. Cela bientôt ne suffit plus. Le balancement avait lieu de la ceinture en haut, et le corps décrivait un demi-cercle effrayant ; c’étaient des convulsions, de l’épilepsie, de la danse de Saint-Guy, comme au moyen âge.

De temps en temps, quelque frère épuisé de fatigue roulait à terre, haletant, couvert de sueur et d’écume, presque sans connaissance ; mais, poursuivi par le tonnerre implacable des tarboukas, il tressaillait et se soulevait par secousses galvaniques comme une grenouille morte, au choc de la pile de Volta. À cette vue, les spectres enthousiasmés secouaient leurs linceuls sur le bord des terrasses et faisaient grincer, avec un bruit plus sec et plus rauque, la crécelle de leurs voix. On remettait le chaviré sur son séant et il recommençait de plus belle.

Un aïssaoui considérable dans la secte, et qu’on semblait regarder avec une sorte de terreur respectueuse, se tordait dans des crispations de démoniaque ; ses