Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/168

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cipalement recrutées parmi les manolas, les cigareras, les pèlerines des romerias de San-Isidro, les habituées du jardin de las Delicias et des bals de Candil.

Quand nous entrâmes, deux de ces dames étaient en train de se disputer, et, ne trouvant pas, sans doute, d’injures assez piquantes, elles avaient retiré leur peigne et s’en donnaient réciproquement de grands coups sur la tête et dans la figure.

On eut beaucoup de peine à séparer les deux héroïnes, qui, sous la menace d’être mises à la porte, passèrent le dos de leurs mains sur leurs yeux, reprirent leur place dans le quadrille et figurèrent vis-à-vis l’une de l’autre avec une mine sombre et farouche la plus divertissante du monde.

Nous remarquâmes une petite fille de quatorze ans tout au plus, plus fauve qu’une orange, qui dansait avec un feu et une verve extraordinaires : ce devait être sans doute quelque gitana de Triana ou de l’Albaycin ; car l’ardeur sombre de l’Afrique brillait dans ses yeux charbonnés et sur son teint de bronze.