Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/190

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pour les caballeros en plaza, qui, au bout de quelques minutes, trouvées fort longues par le public impatient, reparurent à cheval dans l’arène, précédés de deux files de piqueurs vêtus du pourpoint à la Schomberg, de sept rois d’armes, de pages et d’écuyers, et de tout un monde de comparses richement habillés ; c’est un spectacle singulier et qui pousse à la rêverie de voir les formes et les couleurs des âges écoulés vivre et fourmiller à la pure lumière du soleil. Ce mélange de travestissements et de réalité étonne plus qu’on ne saurait dire ; on cherche involontairement la rampe et les coulisses, et l’on est tout surpris de voir cette fantasmagorie encadrée dans les objets les plus réels.

À la suite, marchaient les quadrilles des toreros, la première vert et argent, la seconde bleu et argent, la troisième marron et or, la quatrième incarnat et argent ; au lieu de la coquette montera qu’ils portent habituellement, les toreros étaient coiffés de l’ancien chapeau espagnol en demi-lune et à deux cornes, comme on en trouve dans les caprices à la manière noire du peintre Goya. Ce chapeau, quoique d’une étiquette plus rigoureuse et d’une tenue plus correcte, ne nous paraît pas à beaucoup près valoir ce joli bonnet chargé de nœuds et de pompons que l’espada jette si crânement