Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/225

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À l’Académie de San-Fernando, il y a trois tableaux merveilleux de Murillo : les deux sujets de la Légende de sainte Marie des Neiges, qui sont de forme cintrée, d’un effet très-original et très-pittoresque ; puis la Sainte Élisabeth de Hongrie lavant la tête d’un teigneux, l’un des chefs-d’œuvre de l’artiste.

Les belles mains royales de la sainte, près du crâne purulent dont elles essuient la sanie, produisent une impression étrange ; plus elles sont blanches, pures, délicates et nobles, plus le crâne est sordide, marbré de plaques noirâtres et damassé de gourmes, plus le triomphe de la charité est grand ; dans la charmante figure de la reine penchée vers ces plaies immondes, on distingue le dégoût involontaire de la femme de haut rang et le dévouement volontaire de la chrétienne. Le cœur de la reine se révolte, mais celui de la sainte palpite à la vue de toutes ces souffrances à soulager.

Sur les premiers plans du tableau se tordent des groupes de pauvres accroupis et tendant la main dans tout ce luxe de misère particulier à l’école espagnole. Ces gueux sordides, couverts de loques, forment, avec la sainte Élisabeth et les femmes de sa suite, un de ces contrastes dont Murillo sait tirer un si heureux parti.

Cependant, malgré les richesses de Madrid, c’est à