Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/228

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tionne Ribera, et qu’il revêt, malgré leur horreur, de la suprême beauté de l’art.

Quel aspect de suaire Zurbaran sait donner aux frocs de ses moines ! comme il engloutit dans le gouffre des capuchons ces têtes émaciées dont on ne voit que les lèvres entr’ouvertes par la prière, et comme il fait sortir de dessous ces effrayantes draperies, où nulle forme humaine ne se dessine, des mains maigres, fluettes, jointes avec la ferveur profonde du catholicisme le plus pur ! L’Espagne seule pouvait produire un tel peintre ; la dévotion italienne est trop souriante et se souvient trop de la religion charmante de la Grèce, pour arriver à ce renoncement, à cette mort en Dieu, à cet anéantissement complet, qui effrayeraient les fakirs de l’Inde eux-mêmes.

Outre les chefs-d’œuvre de l’école espagnole, ce musée renferme la plus étonnante collection de Titiens et de Raphaëls qu’on puisse voir. C’est là que se trouvent le Spasimo di Sicilia, la Vierge au poisson, la Madone appelée la Perle à cause de son inimitable perfection, joyau enlevé, ainsi que bien d’autres, au riche écrin de l’Escurial pour en doter l’univers.

Les Titiens surtout foisonnent : portraits, esquisses, tableaux de sainteté, scènes mythologiques, toutes les