Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/279

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étranges tons de sa palette. Un aquarelliste anglais n’eût pas osé les risquer, et cependant l’exposition des painters of water’s colours montre que les artistes britanniques ne sont pas timides.

Le premier plan se composait d’une large et longue bande de colza en fleur, d’un jaune de soufre ou de chrome aussi éclatant, aussi vif, aussi aveuglant que Colcomb peut le fournir en trochiste ou en vessie ; cette lisière d’or, par l’inclinaison du terrain qui se dérobait, tranchait nettement sur l’eau du lac, sans rupture de ton, sans demi-teinte intermédiaire. Un bleu de ciel vert exactement pareil à celui de la turquoise, teignait toute la région du lac, sur laquelle se détachait la plate-bande de colza ; puis ce bleu allait s’assombrissant et prenait des nuances de burgau ou de plat arabe à vernis métallique. Plus loin, l’eau presque noire ressemblait à de l’ardoise. Un filet de lumière égratignée rayait transversalement cette partie mate, et de petits flots y produisaient par leur clapotis quelques points diamantés. Au delà de cette zone, le lac était violet, lilas, fumée de pipe. La rive opposée se distinguait à peine ; par-dessus la mince ligne du bord, à travers les brumes du lointain mêlées et confondues avec les nuages, les Alpes suisses se glaçaient de brus-