Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/280

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ques touches d’argent. Plus haut, dans un ciel haché de pluie et de rayons, flottaient des archipels de nuées semblables à des œufs à la neige par le côté voisin du bleu, et comme pochées d’encre vers l’horizon.

Un petit bateau à vapeur, son panache de fumée rabattu par le vent, pataugeait dans la bande éclairée comme une fourmi tombée sur du mercure.

Pendant que nous notions dans notre cervelle cette gamme de tons à désorienter tous les coloristes, car jamais on n’a fait un premier plan jaune serin, la voiture, quittant la route, nous menait par un petit chemin de traverse à l’ermitage de notre ami.

Figurez-vous une maison très-simple, à toit de tuiles, à murailles blanches, à fenêtres tournées vers le lac, se composant d’un rez-de-chaussée et d’un étage, avec un hangar pour le bûcher et une cabane de bois pour les filets ou engins de pêche. Ce n’est point le cottage prétentieux d’un philistin enrichi, c’est la retraite d’un jeune homme d’esprit, qui, après avoir mené une grande existence, a reconnu combien il faut peu d’outils et de place pour vivre heureux ; cette science ne lui a guère coûté que deux ou trois millions. Ce n’est pas cher !