Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une rente de sept cents livres. Ils étaient trois dans la fosse, un adulte et deux petits : l’adulte tournait en rond comme le cheval blanc du Cirque, sans doute dans l’espoir de quelque gâteau ; ce qui manquait de dignité pour un ours héraldique et rentier. Les deux petits se pourléchaient naïvement et n’avaient pas l’air de se douter qu’ils étaient des pièces de blason !

Le moyen de connaître une ville, c’est de la quitter, surtout lorsqu’elle est située comme Berne sur une espèce de promontoire qui entoure une vallée profonde.

En montant l’allée d’arbres qui conduit à la station du chemin de fer de Bâle, — arbres magnifiques dignes de poser pour Cabat ou Français, — on voit Berne se déployer sur son plateau avec la netteté d’un plan en relief. L’œil l’embrasse tout d’un coup. Les toits de tuiles, d’ardoises ou de plaquettes de bois, se découpent avec leurs arêtes aiguës : la cathédrale, le Rathaus, le Zeitglockenthurm, le Kœfichthurm, la tour de Saint-Christophe et autres édifices émergent à demi au-dessus des constructions bourgeoises, et donnent à la silhouette de la ville un air féodal et moyen âge tout à fait louable.

Devant cette vue, un de ces sauts de pensée familiers aux voyageurs nous transporta de Berne à Con-