Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/303

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aux eaux, mais non pour y tenter les chances du trente-et-quarante. Pour échapper autant que possible à cette compagnie lugubre, nous regardions les maisonnettes des stations intermédiaires, chalets en miniature, ou plutôt grands coucous de bois à la tyrolienne, festonnés de quelque brindille de vigne vierge et de volubilis ; les ondulations lointaines de la forêt Noire bleuissant de ses ombres le bas des montagnes, les prairies plus rapprochées et semées de villages ; ou bien quelque bastion crénelé tâchant d’allier le pittoresque du moyen âge à la science de Vauban ; ou encore quelque burg tombant en débris comme une dent couronnée au sommet d’un mamelon. Après avoir changé de wagon, car ce chemin n’est pas direct et toutes ces petites lignes se relient entre elles, nous arrivâmes à Heidelberg.

Il s’agissait de ne pas s’endormir dans les délices de Capoue, c’est-à-dire de ne pas perdre à la table des hôtels un temps précieux. Donc, au débarcadère, nous hélâmes une calèche à deux chevaux pour aller tout droit aux ruines du château. Comme le petit Spartiate qui cachait un renard sous sa robe, nous laissions stoïquement la faim nous ronger le ventre, car nous avons l’œil plus goulu que l’estomac. Heidelberg n’était pas nouveau pour nous, mais on ne se lasse pas de le re-