Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/335

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comptait les tartes aux pommes qu’on se procurerait avec cette vaisselle jetée dans la fonte insuffisante par les enthousiastes bourgeois de Dusseldorf ?

Comme nous sommes un Français ne sachant pas un mot d’allemand, et que le soldat contemplatif était un Allemand ne sachant pas un mot de français, nous dûmes renoncer à satisfaire notre curiosité sur ce point et recourir, pour sortir de notre situation lamentable, à la pantomime, ce langage universel que la composition de quelques ballets nous a rendu familier.

Figurez-vous un feuilletoniste et critique d’art français au pied de la statue équestre de l’électeur Johann Wilhelm, à l’heure où les spectateurs parisiens sortent des représentations à bénéfice et où les spectres des légendes germaniques sortent des tombeaux, exécutant gravement la pantomime suivante devant un vieux soldat prussien, au casque pointu et à la capote grise : « Moi », la main sur la poitrine, « étranger », un geste dans la direction du port, « je cherche », quelques pas à droite et à gauche, « une maison », le doigt replié comme lorsqu’on frappe à une porte, « pour dormir », les yeux fermés, la tête penchée et la joue appuyée contre le dos de la main, « car je suis las », traînement de pieds, bras ballants, air accablé ; « je vous récom-