Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/342

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ville ainsi nommée permettait de croire authentique.

Au bout de quelques lieues à travers une contrée riche sans doute, mais ne portant pas encore le cachet bien marqué de la Hollande, les maisons s’espacèrent, les arbres disparurent, le gazon devint rare et l’horizon prit un caractère étrange. Nous entrions dans la Campine : on appelle ainsi la lande hollandaise. Ce sont d’immenses plaines, faiblement ondulées par les dunes, du côté de la mer, de ce gris violet dont la bruyère revêt les terres stériles, tachetées çà et là de larges plaques de sable blanc, lacs arides de ce désert, entrecoupées plus loin de mares d’eau croupie remplissant le creux des tourbières, et qui eussent assez rappelé les landes de Bordeaux si un ciel d’une nuance toute différente ne se fût étendu au-dessus de leurs solitudes ; c’était un ciel d’un azur laiteux, presque blanc, opalin, où se déployaient des nuages gris de perle à reflets nacrés, chiffonnés par le vent et formant des plis à cassures lumineuses comme celles du satin. La Campine, grisâtre au premier plan, glacée de tons laqueux dans le lointain, avec sa tonalité sourde, laissait toute sa valeur à l’atmosphère, que pénétrait un soleil caché pourtant et comme voilé par des superpositions de gaze. Bientôt le tableau changea ou, pour mieux dire,