Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/345

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velours et découpé par une grecque de canaux se rencontrant à angles droits, et remplis d’une eau brune comme du café faible ou du thé fort. La terre gazonnée est parfaitement de niveau et ne dépasse pas l’eau qui la baigne de l’épaisseur de deux feuilles de carton superposées. La moindre oscillation dans le mouvement de la planète submergerait tout. Chacun de ces carrés, qui semblent faits avec de la laine verte hachée et collée sur une glace comme les gazons des plans de ville, sert de parc à cinq ou six vaches et à trois ou quatre chevaux à la tête busquée, à la longue queue, aux jambes garnies de houppes de poils, qui se dressent et galopent effarés toutes les fois que passe la locomotive entraînant les wagons.

Des ponceaux, fermés de claires-voies, relient entre elles ces îles plates, immenses tapis de billard, entourés de bandes d’eau, où les animaux disséminés représentent assez bien les billes. Parfois une ligne de saules, une rangée d’arbres derrière laquelle glisse une voile de barque, un village avec son clocher, rompent l’uniformité du plan. Tantôt ce sont des maisons moitié planches, dans une touffe de verdure, au milieu d’un jardinet ; tantôt des fermes dont le hangar est coiffé d’un toit mobile s’élevant ou s’abaissant au moyen de