Page:Gautier - Loin de Paris.djvu/8

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heures sur son affreux pavé en cailloutis satisfit pleinement notre curiosité.

Le lendemain, à trois heures du matin, nous nous embarquâmes pour Avignon sur le bateau à vapeur l’Aigle, encombré de marchandises et de ballots destinés à la foire de Beaucaire. Les voyageurs, à cette époque de l’année, ne sont considérés que comme l’accessoire très-vague des paquets : ils se placent où ils peuvent ; mais tout est sacrifié à la commodité des colis. On regrette presque en cette occasion de n’être pas une caisse.

Le Rhône est un tout autre gaillard que sa commère la Saône, dont les eaux troubles se distinguent encore longtemps dans la limpidité du courant. Ce n’est plus cette tranquillité stagnante ; aussi, les rives filent avec la rapidité de la flèche, villes et châteaux s’envolent à droite et à gauche, vous laissant à peine le temps de les entrevoir.

Vienne, la patrie de Ponsard, l’auteur de la Lucrèce, est déjà bien loin avec son église gothique enveloppée d’un tourbillon d’hirondelles, et son vieux pont dont quelques arches sont romaines. C’est près de Vienne que, s’il faut en croire la légende, se trouve le tombeau de Ponce-Pilate.