Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/100

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même pas ! Quand il ne m’aimera plus, il me laissera. Alors je serai libre de me tuer si je veux. Qu’avais-je donc à me désoler ainsi ?

Elle se regarda dans son miroir.

— Jamais mes yeux n’ont en un tel éclat, se dit-elle. Ces secousses, ces émotions m’ont rendue plus belle. Je voudrais qu’il me vît ainsi… Eh bien, pourquoi ne me verrait-il pas ? À quoi bon prolonger plus longtemps cette situation fausse ? Puisque je suis décidée à lui dire la vérité, pourquoi attendre ? L’heure est propice à une telle confidence. Je vais aller le trouver dans sa chambre, et tout lui dire. Comme il va être étonné ! Attristé peut-être ! Bah ! je saurai bien faire cesser sa tristesse. Voyons, il faut se mettre sous les armes d’abord.

Avec une impatience fébrile, elle ouvrit une de ses malles, et, après avoir cherché quelques instants, elle prit un ravissant peignoir de batiste et de dentelle et le jeta sur son lit. Puis elle ôta sa robe, déroula sa magnifique chevelure d’or, et l’éparpilla sur ses épaules. À l’aide d’un crayon d’argent, elle fonça un peu ses sourcils et le bord de ses yeux, mit du pose sur ses lèvres, enroula à son cou un collier de perles, s’inonda de parfums, puis enfila le peignoir et glissa ses petits pieds dans des pantoufles de velours, qui ne faisaient aucun bruit en se posant sur le parquet.

— S’il ne m’aimait déjà, il m’aimerait dans un instant, dit-elle en se mirant.

Elle ouvrit la porte.