Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/109

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trouva Jenny qui ramassait les robes qui traînaient sur les meubles et sur le tapis.

— Je crois que j’aurai une belle-sœur bien désordonnée, dit-elle.

— Quoi ! que dis-tu ? s’écria Lucienne, quelle belle-sœur ? Es-tu folle ?

— Nous savons que vous êtes une petite sournoise, dit Jenny ; mais je t’avais déjà dit que j’étais bien près de découvrir ton secret. Maintenant il est inutile de faire la discrète. Je sais tout.

— Qu’est-ce que tu sais ? Tu ne peux rien savoir, dit Lucienne en l’attirant près d’elle sur son canapé.

— Tu crois cela ; eh bien, écoute. Adrien est venu dans ma chambre ce matin de très-bonne heure. Comme il n’aime pas se lever tôt, j’ai vu tout de suite qu’il y avait quelque chose d’extraordinaire. « Maman n’est pas malade ? lui ai-je demandé d’abord. — Non, elle dort, m’a-t-il répondu. Je veux te parler avant son réveil. — Me parler, à moi… sérieusement ? » C’était nouveau, mais cela me flattait. Je vis bientôt de quoi il s’agissait, et j’ai confessé le coupable. Il ne demandait pas mieux que de parler : son cœur débordait. Il t’aime comme un fou ; il te veut pour femme, et me demande de l’aider à décider maman à le laisser se marier, malgré sa jeunesse. Elle voudrait le voir s’établir seulement lorsqu’il sera avocat et aura au moins vingt-six ou vingt-sept ans. Pense donc ! un homme de vingt-quatre ans, c’est un gamin ! Mais lui ne veut pas attendre, il mourra de chagrin si on le prive de celle qu’il