Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/115

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vre. Après ce sera la mort ou quelque chose de pis. »

Et puis, on ne désespère jamais tout à fait ; il semble qu’un événement inconnu va survenir, qui arrangera tout. Jusqu’à la dernière minute, le condamné attend sa grâce.

Madame Després, qui se doutait des intentions de son fils observait M. Provot et tâchait de savoir ce qu’il pensait d’Adrien. Elle l’interrogea même franchement sur son fils une après-midi devant Lucienne et Jenny, sur la terrasse du Casino.

— C’est un charmant jeune homme, très-distingué et plein de bon sens, répondit M. Provot.

— Oui, c’est un garçon sérieux que ne touchent pas les travers habituels à son âge, dit madame Després. À l’occasion, il sacrifierait très-certainement son plaisir à son devoir. J’en veux faire un avocat.

On en resta là, M. Provot ne trouvant rien à ajouter. Madame Després cherchait en vain à bien définir le caractère de cet homme. Elle le trouvait bien élevé, aimable même ; mais elle devinait en lui un profond égoïsme, malgré la grande faiblesse qu’il avait pour les volontés de sa nièce. Il aimait sans doute beaucoup cette enfant, pourtant, par instant, il semblait à madame Després que le vieillard se souciait fort peu de Lucienne. Quant à son intelligence, elle était évidemment très-médiocre. Cela expliquait la domination qu’avait sur lui la jeune fille, beaucoup mieux douée et plus énergique. Mais cet homme était-il mauvais ? était-il bon ? Madame Després ne pouvait résoudre cette question. En réalité, il n’était