Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jenny, elle, faisait des ruches de gaze blanche pour une robe qu’elle devait mettre quelques jours plus tard. Un grand bal devait avoir lieu au Casino. La ville entière s’occupait de ce bal, et Jenny n’avait plus d’autre sujet de conversation.

Pourtant elle abandonna son ouvrage tout à coup, pour suivre une paysanne qui allait traire des vaches.

Lucienne essaya de la retenir.

— Je t’apporterai une tasse de lait chaud, lui cria Jenny en s’enfuyant.

— Lucienne, pourquoi craignez-vous d’être seule avec moi ? pourquoi évitez-vous de me répondre ? dit Adrien en prenant les mains de la jeune femme ; vous ne m’aimez donc pas ?

— Je vous aime, Adrien, de toute mon âme, dit Lucienne dont la voix tremblait.

— Alors, chère bien-aimée, pourquoi êtes-vous ainsi ? Ma mère s’est aperçue que nous nous aimons ; elle doit s’étonner de mon silence. Et votre oncle, que va-t-il penser ? Je m’aperçois très-bien qu’il est fort mécontent depuis quelques jours. Et puis, vous n’avez donc pas hâte d’être ma femme, d’être toute à moi, de ne plus me quitter ?

— Votre femme, non ! c’est impossible ! s’écria Lucienne.

Mais, devant la pâleur subite du jeune homme, elle eut peur.

— Non, ce n’est pas cela que je voulais dire, balbutia-t-elle. Je serai votre femme ; mais pas