Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jenny lui poussa le coude tout à coup.

— Voilà Max Dumont, dit-elle tout bas.

Le jeune inconnu passait, en effet, donnant le bras à sa mère, une belle femme un peu trop grande. Il poussa un soupir en voyant Jenny, et leva les yeux vers le plafond.

L’espiègle jeune fille cacha un sourire moqueur derrière son éventail.

— Pauvre garçon ! murmura-t-elle.

Lucienne cherchait des yeux Adrien. Elle le découvrit enfin adossé au chambranle d’une porte. Son visage avait une expression qui effraya la jeune femme. Il la regardait, mais avec une sorte de froideur et presque avec colère.

— Qu’ai-je donc fait ? se dit-elle ; serait-il jaloux de ces regards fixés sur moi ? Non, ce serait indigne de lui. Mais qu’a-t-il ? Mon Dieu ! je ne suis donc pas assez malheureuse ?

Jenny s’éloigna au bras d’un cavalier. Quelqu’un s’inclinait depuis un instant devant Lucienne, en l’invitant pour une polka. C’était Max Dumont. Lucienne jeta un regard suppliant à Adrien. Comment ! il ne venait pas près d’elle, il ne l’invitait pas, il laissait un autre l’emmener. Il fallait bien répondre. Elle prit le bras de son danseur, et s’éloigna en baissant la tête.

— Tout le monde vous proclame la reine du bal, lui dit Max.

— Tout le monde excepté vous, n’est-ce pas ? dit Lucienne, faisant un effort pour cacher son trouble.