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XII


Lucienne avait gagné la bataille ; tout ce roman combiné avec tant de soin était admis. Rien n’avait paru invraisemblable, elle avait obtenu ce qu’elle voulait. L’avenir était à elle.

Ce qu’elle comptait faire, c’était tout simplement recommencer sa vie.

Elle trouvait tout naturel, puisqu’elle s’était trompée de route, de revenir sur ses pas et de prendre un autre chemin. L’idée de se racheter par le travail, d’expier par la solitude, la gêne, la chasteté, son existence dissipée, luxueuse et galante, lui était venu et s’était bientôt imposée à elle avec l’inflexibilité d’un devoir à remplir. Il lui semblait, tous les obstacles s’élevant entre elle et son bonheur immédiat eussent-ils été aplanis, qu’elle n’avait pas le droit d’être heureuse avant d’avoir été châtiée. Un tel amour n’était-il pas la récompense d’une vie parfaite ? et devait-il lui échoir à elle, qui, sans hésiter, avait préféré l’infamie dorée à la misère honnête. Elle voulait mériter cette récompense. Comme les dévots qui se préparent à recevoir l’hostie sacrée