Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/144

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par des purifications et des pénitences, elle devait purifier son âme, se perfectionner, se transformer avant de goûter à ce bonheur qui devait faire de sa vie une perpétuelle ivresse. Pour cela, il fallait traverser de rudes souffrances ; elle le voulait ainsi, et une énergie extraordinaire lui était venue. Elle s’était jugée et condamnée, elle purgerait la condamnation sans faiblir. Le jour où elle se trouverait assez punie, où elle se pardonnerait à elle-même, elle serait parfaitement tranquille, la paix de sa conscience ne serait plus troublée.

La conviction qu’elle n’avait pas le droit de renoncer à Adrien, s’enfonçait de plus en plus dans son cœur ; le rendre heureux lui semblait le plus sacré des devoirs ; pourquoi aurait-il dû souffrir, lui, à cause de ses fautes à elle ? N’était-ce pas souverainement injuste ? La vérité lui ferait une blessure profonde et incurable. Elle devait donc le tromper pour son bonheur, mais demeurer digne de lui. Aussi, elle avait menti avec un front serein et sans plus de remords que n’en a un médecin disant à un mourant : « Vous allez bien, vous vous lèverez bientôt. »

Jenny s’aperçut du changement d’humeur de Lucienne ; ses préoccupations, ses sombres rêveries avaient disparu, et la jeune fille s’en réjouissait. Lucienne écoutait maintenant avec attention les jolis bavardages de sa future belle-sœur et y répondait gaîment. Jenny lui rapporta tout ce que le jeune Max lui avait dit pendant le fameux bal.