Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/155

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vous verrai plus ! C’était si doux, cette vie intime sous le même toit, ces repas pris en commun, ces rencontres de chaque instant ! C’était presque la vie de famille déjà. Puis, tout à coup, plus rien ; la solitude, la mort. Vous ne voulez donc pas faire grâce ?

Lucienne secouait la tête ; elle essayait de sourire, elle se retenait de pleurer.

— Vous m’aviez promis votre photographie, dit-elle après quelques instants de silence.

— La voici, dit Adrien en prenant dans sa poche un petit carnet de maroquin ; Jenny l’avait apportée ici, fort heureusement, et elle a bien voulu me la donner. La voici dans la gaîne que ma sœur lui a fait faire.

— Lucienne reçut le portrait avec un cri de joie.

— Et moi, je n’aurai rien ? dit le jeune homme.

— Je vous enverrai aussi dans quelques jours ma photographie, c’est convenu. Nous n’oublions rien, voyons ?… Ah ! votre adresse.

Adrien tira un petit crayon d’or attaché à la chaîne de sa montre et écrivit sur une carte de visite : « Cours Boieldieu, à Rouen. »

— Je n’aurai jamais de vos nouvelles ?

— Nous ne nous écrirons qu’en cas de maladie grave, dit Lucienne.

— Où devrai-je adresser mes lettres ?

— À Paris, poste restante ; elles me parviendront partout où je serai.

— Ainsi, j’ignorerai même en quel lieu du monde