Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/156

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vous respirerez, dit Adrien. Ah ! je crois faire un mauvais rêve.

— Le réveil sera si doux ! dit Lucienne en passant le doigt sur le front du jeune homme pour effacer un pli qui lui contractait les sourcils.

— Laissez-moi vous regarder au moins pour bien longtemps, dit-il.

Adrien croisa ses mains derrière la taille de Lucienne, et, à genoux devant elle, il la contempla en silence.

Elle aussi s’abîmait dans la contemplation de ce beau visage, de ces yeux clairs, dans le rayonnement noir des cils, et qui lui semblaient avoir quelque chose de surhumain. Tandis que lui admirait les lèvres pourprées, les cheveux fauves et les yeux de velours noir de sa bien-aimée, en songeant à Aphrodite, elle le comparait intérieurement à l’archange armé du glaive qui terrasse le démon.

Un engourdissement, une langueur dangereuse les envahissaient tous les deux, l’étreinte qui les unissait se resserrait de plus en plus, ils laissaient fuir le temps sans y prendre garde. Cependant, quand minuit sonna, Lucienne fit un mouvement pour se lever.

— Non ! non ! s’écria Adrien, reste encore !

Il lui avait saisi les mains et les lui serrait en la regardant d’une façon étrange. Il semblait perdre la sensation de lui-même, et elle vit passer comme un brouillard sur la limpidité de ses prunelles.

Elle se leva d’un mouvement brusque, mais il fut