Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/193

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coup. Elle unit par se calmer cependant et s’endormit.

Lorsque le jour inonda sa chambre le lendemain matin, elle se moqua de ses terreurs et se promit d’être plus brave à l’avenir.

— Je dois me défaire de toutes ces faiblesses, se dit-elle, puisqu’il me faut vivre désormais seule et sans protection.

Dès qu’elle fut levée, elle sortit et se dirigea vers la chaumière du père Grialvat, impatiente d’avoir des nouvelles de cette pauvre fille à laquelle elle avait paru s’intéresser.

Elle suivait la route par laquelle elle avait vu la veille revenir les bestiaux. De tous côtés s’étendaient des vignes, interrompues seulement de loin en loin par des carrés de pommes de terre ou un champ de luzerne.

Un doux soleil un peu voilé éclairait la campagne.

À mesure qu’elle avançait, Lucienne éprouvait de nouveau cette impression de souvenir lointain qui l’avait frappée la veille. L’aspect de ce paysage était familier à ses yeux. Elle avait certainement grimpé à ces talus pierreux qui s’éboulaient vers la route, retenus çà et là par des planches disjointes. En enfilant certains sentiers qu’elle suivait des yeux, elle était sûre qu’on arrivait à une rivière bordée de peupliers, une toute petite rivière large comme un fossé. Mais comment savait-elle cela ? Elle s’interrogeait en vain. Tout à coup, à un mouvement du terrain, une chaumière lui apparut au bord du che-