Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/196

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descendre là, quand elle avait regardé le pays du haut du wagon ? ou bien une puissance inconnue avait-elle vraiment guidé ses pas jusqu’au chevet de cette mourante, là, sous ce toit qui avait abrité ses premières larmes et ses premiers sourires ? Elle était tentée de le croire tant ce qui lui arrivait lui semblait prodigieux.

— Est-ce que vous vous souvenez de moi ? demanda la malade ; c’est que voilà longtemps que vous êtes partie d’ici ; vous devez aller sur vingt ans. Quand on est venu vous chercher, vous aviez trois ans, un bel âge pour un nourrisson ! Étiez-vous diable ! Moi, j’avais dix ans dans ce temps-là.

— Vous n’êtes donc pas ma sœur de lait ? dit Lucienne.

— Non, c’était Pauline. Elle est morte voilà tantôt un an. Ma pauvre mère aurait-elle été heureuse de vous revoir.

— Où est-elle ?

— Morte aussi. Je vais les rejoindre, je leur parlerai de vous.

— C’est-t’y drôle comme elle a sa tête ! dit la voisine, voilà huit jours qu’elle ne parlait à personne.

— Savez-vous mon nom ? dit la malade à Lucienne.

— N’est-ce pas Marie ? répondit Lucienne comme par hasard.

— Mais oui ! Ah ! c’est gentil de vous en être souvenue !

Et un faible sourire détendit les lèvres de la pau-