Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/201

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la dernière fois que je suis entré en passant. Avez-vous pris la potion ?

La malade secoua la tête.

— C’est ma faute, j’aurais dû l’apporter moi-même. Je vais tous l’envoyer. Mangez, si vous avez faim, et tâchez de vous distraire un peu.

— Ah ! aujourd’hui, je me sens très-bien ; je suis si heureuse ! dit-elle, en tournant les yeux vers Lucienne.

Le médecin suivit ce regard et aperçut la jeune femme, qu’il salua.

— C’est une garde-malade que le bon Dieu m’envoie, dit Marie.

Lorsqu’il quitta la chaumière, Lucienne suivit le médecin.

— Avez-vous l’espoir de la sauver ? lui dit-elle.

— Pas le moindre espoir. La pauvre enfant ! elle est poitrinaire au dernier degré ; il est même incroyable qu’elle vive encore et trouve un souffle pour parler ; c’est comme une lampe qui brûle ses dernières gouttes d’huile. Elle va s’éteindre peut-être demain, peut-être dans huit jours ; cette dernière étincelle dure quelquefois longtemps.

— On peut du moins la soulager, rendre ses derniers jours plus doux ?

— Certes, donnez-lui tout ce qu’elle voudra. Rien ne peut plus lui faire ni bien ni mal à présent. Si des crises de délire la prenaient, administrez la potion ; mais elle n’a plus même la force de souffrir.