Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/202

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Tout en parlant, le médecin était remonté dans le rustique cabriolet qui l’attendait.

— Revenez voir la malade cependant, pour la rassurer, dit Lucienne.

— Je reviendrai, dit-il en la saluant, et il s’en alla.

Lucienne rentra singulièrement troublée dans la chaumière.

— Ainsi elle est condamnée ! se dit-elle, ainsi, ce serait cette pauvre fille qui m’a bercée et aimée, lorsque j’étais enfant, dont la mort servirait mes projets ? Fatalité étrange ! La volonté du sort, en me poussant vers elle, s’est manifestée d’une façon trop évidente pour que je songe à lui résister. Que le sort donc s’accomplisse. J’aurai du moins apporté ici quelques rayons de bonheur.

Elle cacha son trouble cependant en s’approchant de la malade.

Trois marmots, de hauteurs diverses, avaient fait leur entrée dans la chambre. Ils se tenaient debout et regardaient Lucienne d’un air stupéfait, en mettant leurs doigts dans leur bouche avec un ensemble touchant. Ils étaient tout barbouillés, en haillons ; leur chevelure, pleine de feuilles sèches et de brins de paille, avait l’air d’une broussaille.

— Ceux-là, vous ne les connaissez pas, dit Grialvat, ils sont venus après votre départ.

— Ils sont bien mal tenus et bien maigres, dit Lucienne en fronçant les sourcils ; vous les nourrissez mal, à ce que je vois.