Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/241

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— Entrez mademoiselle, lui dit madame Maton, sans quitter sa place.

Lucienne traversa le salon avec un certain embarras, dans sa petite robe de laine noire un peu courte, dans son paletot de drap brun garni de faux astrakan ; elle qui avait traîné sur les tapis tant de toilettes superbes ! Elle s’avança, sous tous ces regards fixés sur elle, son petit carton à la main, et triompha bien vite du sentiment d’humiliation qui l’avait fait rougir tout d’abord. Elle sentit que le sacrifice qu’elle accomplissait la relevait déjà à ses propres yeux.

En la voyant entrer, le docteur, Max et M. Félix avaient laissé échapper un léger cri de surprise.

— C’est votre chapeau, madame ; il est arrangé, dit Lucienne en posant son carton sur la table à ouvrage.

— Ah ! très-bien ! Voyons comment il me va, dit madame Maton en se levant.

Lucienne ouvrit le carton.

— Dieu ! qu’il est joli ! s’écria madame Dumont en voyant le chapeau ; il est bien mieux même que lorsqu’il était neuf !

Madame Maton ôta l’abat-jour de la lampe et se tourna vers la glace de la cheminée, pour essayer son chapeau.

Max offrit une chaise à la jeune fille ; elle le remercia, mais elle ne s’assit pas, elle posa seulement sa main sur le dossier du siège. Cette main était couverte d’un gant de fil couleur cannelle. Lucienne