Page:Gautier - Lucienne, Calmann Lévy, 1877.djvu/244

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et il lui semblait plus précieux qu’une fortune.

Elle le secouait dans sa main fermée, d’un air de triomphe, en marchant allègrement vers son logis.

Au moment où elle tournait l’angle de la rue des Bains, elle entendit marcher derrière elle. Elle ne s’inquiéta pas d’abord ; mais il lui sembla que celui qui venait hâtait le pas, comme pour la rejoindre.

— C’est peut-être cet impudent docteur qui s’est mis à ma poursuite, se dit-elle.

Et, sans oser se retourner, elle marcha plus vite. Bientôt même elle courut, sentant que celui qui la suivait gagnait du terrain.

— Je ne le crains pas, se disait Lucienne. Mais je ne veux, sous aucun prétexte, qu’il m’adresse la parole dans la rue à cette heure-ci. Dans une petite ville, où chacun espionne son voisin, cela suffirait pour me compromettre.

Et elle cherchait sa clé dans sa poche tout en courant.

Malgré l’avance qu’elle avait sur lui, l’homme qui courait ainsi derrière elle la rejoignit au moment où elle atteignait la place du Marché. Elle n’avait plus que quelques pas à faire. Mais, le temps de mettre la clé dans la serrure pour ouvrir la porte, il était sur ses talons.

Il lui parlait déjà ; c’était bien la voix du docteur.

— Mademoiselle, disait-il, ayez pitié d’un homme qui se meurt d’ennui.